192 pages / 18 € / Format : 13 x 20 cm / ISBN 979-10-95434-57-3
Parution le 11 février 2025
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〈 Le livre 〉
Après en avoir terminé avec le métier d’actrice, Anne Roussel a choisi des petits boulots afin de se ménager un temps conséquent pour l’écriture. Différentes expériences l’ont confrontée au monde du travail d’une manière plus abrupte que son premier métier. Elle a commencé à penser les rapports à la tâche, à la domination / soumission, à l’effacement, à la vacuité.
Plier la langue est constitué de huit récits dans lesquels huit femmes, toujours accompagnées d’une Alicia qui n’est jamais la même, basculent. Elles sont vulnérables à la perte de soi, humiliées au travail, confrontées à la hiérarchie ou à l’abnégation. Leurs voix évoquent des épopées sociétales plus ou moins tragiques, mais aussi un élan qui fait (parfois) office de renaissance ou de réappropriation.
Plier la langue rend compte de séparations par rapport à la parole, à l’identité, aux valeurs sacrées, au nous, aux faux-semblants.
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〈 Premières pages 〉
Dans une première apparition j’appartiens au monde du spectacle : sans avoir tout à fait décroché le pompon, j’ai cette chance inouïe de me lever du pied que je veux et où je veux, les gesticulations d’apparat ne me font pas peur, j’ai la grâce distraite d’un bouquet de tulipes et l’entrain d’un chant patriotique.
Je réussis le concours d’entrée d’une école d’art dramatique prestigieuse, je suis très jeune, mue par le mouvement de l’éclosion, reliée à mes camarades par la jubilation, ensemble nous sommes capables de tout, nos potentiels s’articulent, à la fin du cursus un nouveau professeur rejoint l’école, il nous apprend à transporter le silence suspendu dans un filet, cette année-là un vide inouï m’envahit, je patauge dans les couloirs labyrinthiques de mon cerveau, heureusement la chance me talonne, je remonte à la surface, il est trop tôt pour disparaître.
Un rôle au cinéma me fait naître pour de vrai et comme toutes les petites personnes qui se lèvent sur leurs deux pattes, je suis complimentée et bien applaudie, on parle de moi dans les journaux, on me sélectionne pour d’autres films, mon nom est à l’affiche, je ne connais personne mais tout le monde me connaît.