Passeport | Noelle Q. de Jesus

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NOELLE Q. DE JESUS
Passeport
Titre original : Blood
Traduit de l’anglais (Singapour > Philippines) par Patricia Houéfa Grange
304 pages / 21 € / Format : 13 x 20 cm / ISBN 979-10-95434-28-3
La traduction de ce livre a bénéficié du soutien du Centre national du livre
Paru le 27 octobre 2020
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〈 Le livre 〉
Avec chaleur, tendresse et lucidité, Passeport explore la nostalgie et la définition du chez-soi, les enchevêtrements du cœur, la quête de l’amour véritable, le passage à l’âge adulte, la cruauté de la trahison, l’universalité de la douleur et la perte.
Il y est question d’exil, d’identité et de culture, de tradition et de modernité, de superstitions, de tabous et de secrets, des relations compliquées entre hommes et femmes, entre soi, la famille et la communauté, et entre les générations.
On y rencontre principalement des femmes, de tous âges — fillettes, adolescentes, étudiantes, jeunes femmes, mères, grand-mères — mais aussi quelques hommes et des couples.
Ce sont des histoires écrites avec l’assurance, l’humour, la chaleur d’une écrivaine qui connaît précisément les vies des gens ordinaires, souvent déracinés, qui sont ses personnages. Pourtant, derrière l’apparente simplicité de ces textes, il y a souvent comme une tension dans l’air, un conflit en suspension prêt à éclater.
« Le goût de la tristesse est féroce, comme du sel qui s’acharne sur les lèvres. »
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〈 Extrait 〉
« Passeport »
« Car enfin, que sais-tu vraiment de la souffrance ? Rien. Tu prendras un avion pour rentrer chez toi, peut-être un peu plus tard que prévu. On t’en délivrera un autre pour une petite somme. Tu réserveras sur un nouveau vol. Ce ne sera rien : juste un petit désagrément passager. Ensuite, tu emmèneras tes enfants visiter d’autres lieux. Tu les gaveras de glaces, de gaufres et de poulet frit. Vous profiterez de la ville. Vous vous promènerez à vélo du côté du lac et vous ferez les magasins. Peut-être qu’il n’y aura plus assez de place dans les valises que tu as apportées. Tu achèteras une nouvelle valise ou tu me demanderas une boîte en carton pour envoyer tes affaires chez toi à Manille. Les cent-cinquante dollars que te coûtera ce service ? Ce ne sera rien. Rien de plus facile que de payer. Et ensuite tu prendras un avion pour rentrer chez toi, et tu oublieras tout ça, comme si ce n’était jamais arrivé. »
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〈 À propos 〉
« Ces histoires chaleureuses et tendres saisissent les nostalgies des immigrants et ce qu’ils n’abandonnent jamais vraiment. Il s’agit d’un livre sur les expériences universelles du XXIe siècle en matière d’amour et de séparation, de tradition et de changement. De Manhattan à Manille en passant par la Malaisie, Noelle Q. de Jesus propose un complexe sentiment d’appartenance et une voix narrative captivante qui donnent au lecteur l’envie de lire chacune de ces nouvelles jusqu’au bout. Voici une écrivaine poignante et pleine de grâce. »
Anne Panning écrivaine
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« Vous aimez lire des recueils de nouvelles ? Lisez celui-ci ! Vous n’avez pas l’habitude de lire ce genre littéraire et vous ne pensez pas qu’il soit fait pour vous ? Vous avez essayé et vous n’avez pas été convaincu•e ? Ce livre est aussi fait pour vous !
J’ai entendu récemment plusieurs réserves concernant le genre de la nouvelle : c’est trop court, le lecteur n’a pas le temps de s’attacher aux personnages, de vraiment se sentir concerné, de se plonger entièrement dans les enjeux des situations, etc. C’est vrai que toutes les formes littéraires ne peuvent pas plaire à tout le monde mais si nous faisions un nouvel essai ? Ce recueil, par exemple, pourrait vous faire changer d’avis.
Noelle Q. de Jesus a un réel talent pour mettre en place une intrigue, une tension, une ambiance, pour faire naître des sentiments et les dépeindre dans toute leur complexité, pour rendre réels des personnages.
Sur l’intégralité du recueil, une seule nouvelle ne m’a pas plu. Sur un ensemble de 24 nouvelles, c’est donc une excellente lecture. J’ai été touchée par ces personnages pour qui le quotidien n’est pas toujours simple, dont les familles sont souvent loin, pour qui le rêve américain ne se réalise pas, ou encore pour qui le quotidien va apporter autant de questions que de réponses, bonnes ou mauvaises. Noelle Q. de Jesus écrit des vies qui pourraient appartenir à des proches, à des personnes que nous croisons au quotidien, connaissances ou anonymes. La plupart des personnages principaux sont des femmes, les hommes sont généralement en orbite autour d’elles et les situations du quotidien se déroulent au coeur de leur intimité. Car il s’agit bien de cela : de ce qui touche au plus profond les personnages, de ce qu’ils sont, de ce qu’ils ont été, de ce que d’autres voudraient qu’ils soient, de ce qu’ils découvrent être, de ce qu’ils ont trouvé, de ce qu’ils ont perdu.
Que nous nous retrouvions ou pas dans ces vies, dans ces textes, l’auteure maîtrise incroyablement les infinies nuances des émotions humaines et les compose dans des textes parfaitement ciselés. Tout est travaillé, pesé, sans qu’on le ressente à la lecture (là est le talent), avec en plus une chaleur et une bienveillance qui font du bien. Lire des tranches de vies sans le poids d’un jugement narratif fait tout simplement un bien fou à la lecture.
L’un des aspects qui m’a beaucoup intéressée est l’exil aux États-Unis de personnages natifs des Philippines. J’ai été émue, bien entendu, par la déchirure familiale malgré l’espoir que représente l’Amérique du nord ainsi que par la culture philippine et ses traditions qui sont présentes selon ce que les personnages souhaitent en conserver, veulent effacer ou réussissent à en transmettre. Il y a dans ces réflexions la place de la rupture, le refus de trahir en oubliant, mais aussi la difficulté à se définir lorsque l’on ne peut plus rentrer au pays des origines, lorsque nos actes vont à l’encontre des valeurs de nos parents, lorsque l’on ne se sent pas pleinement américain et plus vraiment philippin.
Je ressors de cette lecture avec l’espoir de pouvoir lire un jour la traduction du deuxième recueil de Noelle Q. de Jesus. Et, étant donné le plaisir que j’ai pris à lire celui-ci, j’espère qu’il sera également traduit par Patricia Houéfa Grange. »
Les miscellanées d’Usva
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«Noelle Q. de Jesus est philippine, née aux États-Unis et résidant à Singapour, et cette triangulation d’identités crée dans sa littérature un décentrement, une friction.
Le recueil, poignant et sans esbroufe, comporte une vingtaine de nouvelles avec en filigrane chez les protagonistes (le plus souvent des femmes) l’envie flottante de se sentir chez soi dans sa famille, son couple, mais aussi dans un pays d’exil où une forme d’aliénation surnage.
Dans « Passeport », micro-nouvelle titre, l’écartèlement des mondes en présence est flagrant: une bonne philippine travaillant pour une famille de Singapour vient de subtiliser le passeport d’une amie de ses employeurs. Le texte, sous forme d’adresse, laisse transparaître que toutes deux sont mères, mais que celle qui vient de commettre le larcin n’a que ce moyen illégal pour espérer retrouver ses enfants.
Dans « Froid« , Katrina se demande dans quelle mesure le coeur est un muscle qui s’adapte: elle vient d’emménager dans le Midwest, et la sensation d’être gelée de l’intérieur vient jusqu’à empiéter sur ses deux langues, l’empêchant de renvoyer une insulte à un étudiant insolent.
L’autrice capte à merveille les gestes ordinaires et les révoltes à bas bruit et sous l’ambiance de prime abord douce jaillissent souvent des traces d’inconfort ou de mélancolie. »
Focus Vif Belgique
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La traductrice Patricia Houéfa Grange a évoqué à diverses reprises sur son site Internet www.papillonsdemots.fr sa rencontre avec le recueil de Noelle Q. de Jesus, la traduction d’abord d’une nouvelle pour la revue Jentayu, puis de l’intégralité du recueil pour son plaisir et bien sûr afin de pouvoir le proposer ensuite à un éditeur, la décision des éditions do de le publier et le travail collectif réalisé en vue de la parution du livre en octobre 2020.
Huit textes (pour le moment) absolument passionnants.
Le premier a pour titre Franchir les frontières.
Les autres : Entrer dans la voix ; Déployer le souffle ; Le you et le po, le sexe des mots et l’œil de Vénus ; Blood, l’enfant do ; Baby blues du Passeport ; Empaillonné d’or et enfin Le temps du tennis.
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