Traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec
96 pages / 14 € / Format : 13 x 20 cm / ISBN 979-10-95434-09-2
La publication de ce livre a bénéficié du soutien du ministère de la Culture / Fondation Bibliothèque nationale et du ministère des Affaires étrangères du Brésil
Paru le 13 mars 2018
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〈 Le livre 〉
Un jeune poète désœuvré traîne dans un quartier mal famé de Porto Alegre. Arrêté par la police pour le crime qu’il vient de commettre, il est mystérieusement relâché et interné dans une clinique, avant d’être recueilli dans une vaste propriété par un couple d’Allemands. Incapable de peser sur le cours de son existence, il s’abandonne alors au confort de cette vie nouvelle, tout en s’interrogeant sur les motivations réelles de son énigmatique protecteur. Lui sera-t-il donné d’être autre chose que son obligé, son garde-malade, son animal de compagnie ?
Atmosphères équivoques, créatures désemparées, danse violente des corps, insaisissable mécanique du temps… Hypnotique comme un film de David Lynch, La Brave Bête du coin déroute et fascine.
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〈 À propos 〉
« Je viens de lire quasi d’une traite La Brave Bête du coin. C’est juste extraordinaire. De cet extraordinaire qui laisse peu de place au commentaire, comme c’est souvent le cas des livres publiés chez do. Un récit bref, dont la brièveté même fait sens : le temps y passe si vite que le narrateur même – c’est un récit à la première personne – ne le voit pas passer, sauf à en voir les ravages chez les quelques personnes qu’il côtoie. Il est lui même porté par les événements, bien plus agi qu’acteur, sans prise sur le monde qu’il entoure et quasi sans compréhension, et dans l’acceptation de sa condition. Il faut dire qu’il est chanceux, ou peut-être pas. Mais il vaut mieux le lire. Ça commence comme ça – et déjà le temps passe vite :
“Un jus noir me dégoulinait des mains sous le robinet, je venais de perdre mon boulot, je disais adieu à ce cambouis pas facile à enlever.
Un jus noir qui dégoulinait, trois mois ont passé depuis, et j’ai pris l’habitude de tuer le temps en traînant en ville, léger abattement en me voyant dans le miroir d’une pissotière, mais rien qu’un garçon de dix-neuf ans ne puisse dissiper en marchant encore un peu.” »
Philippe Annocque écrivain
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« De nombreux écrivains naïfs continuent de chercher le réalisme soit dans le monde concret, soit dans leur propre histoire, illusions auxquelles Noll a su échapper. »
José Castello écrivain
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« Récit magnifiquement diffracté, La Brave Bête du coin est l’exploration kaléidoscopique d’une conscience, celle d’un homme blessé et blessant qui se heurte violemment au monde sans pouvoir se raccrocher à grand-chose, pas même au passage du temps. »
Brian Evenson écrivain
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« (…) je saisis en sombrant que la seule vérité de l’homme, enfin entrevue, est d’être une supplication sans réponse. »
L’Expérience intérieure Georges Bataille.
Une citation, envoyée par le traducteur Dominique Nédellec, qui pourrait faire écho à La Brave Bête du coin.
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« Il ne se passe donc pas grand chose dans ce très court roman. Mais je suis rapidement convaincue que l’effet d’inertie est recherché par l’auteur. L’intérêt est ailleurs. Et au moment où je referme le livre, il me semble qu’un réveil sonne.
L’après-lecture fut alors bouillonnante. J’ai cherché les clés de compréhension face à ce personnage qui avance à l’aveugle. Plus je m’interroge, plus ça me semble frôler l’absurde… oui, comme me le soufflait ma co-lectrice de l’autre côté de l’Atlantique, il y a bien là quelque chose qui n’est pas sans rappeler le non-sens d’Albert Camus.
J’allais en finir avec ce texte énigmatique lorsqu’une dernière pièce du puzzle m’est apparue. Le titre — la brave bête — je l’avais sous les yeux depuis le début… et c’est toute la cruauté de ce texte qui s’est révélée. »
Encore inconnu en France, João Gilberto Noll, décédé l’an dernier, est une référence au Brésil. Auteur d’une vingtaine d’œuvres, romans et nouvelles, il a obtenu divers prix littéraires et plusieurs de ses textes ont été adaptés au cinéma. Les éditions do, dont le siège est à Bordeaux, permettent de le découvrir, enfin, en France, avec ce court roman étrange et ouvert.
Le narrateur est un jeune homme qui vit avec sa mère à Porto Alegre. Au chômage depuis trois mois, il se laisse vivre, il déambule dans les rues de sa ville. Une séance de cinéma, une fille rencontrée par hasard, une étreinte rapide, sans plaisir, occupent ses heures.
C’est parti pour une sorte d’errance sans but avéré, pour une tranche de vie (la vie a-t-elle un but ?) dans Porto Alegre, puis à travers le Brésil. Le jeune homme écrit des poèmes, il fait des rencontres, parmi lesquelles un couple de vieux Allemands qui le recueillent après le départ de sa mère.
Hors de toute aventure, on voit le narrateur être témoin bien plus qu’acteur, c’est sa nature ; témoin d’une foule de spectacles, parfois anodins, parfois d’une grande importance pour lui. Ce qu’il voit, ce sont des manières de vivre ou d’être, très éloignées de la sienne et le lecteur, souvent de façon presque inconsciente, découvre la réalité brésilienne : activités de rues, sursauts politiques (on manque de peu Lula lui-même, il va intervenir dans un meeting), ambiances cariocas, que le jeune homme découvre aussi. D’autres réalités, plus universelles, apparaissent également : la maladie, la mort, le veuvage, la solitude ou la vie partagée…
Le lecteur lui aussi est témoin, essentiellement témoin… mais, à travers le non-dit, l’apparente banalité, il sent en lui d’abord de timides réactions par rapport à ce qui arrive au protagoniste, puis des réflexions qui peuvent naître (ou non, selon sa disponibilité), qui peuvent aller de l’adhésion au refus (je sais que certaines scènes qui, pourtant, ne dépassent pas les bornes, ont pu en choquer certains).
La richesse de La Brave Bête du coin tient précisément de la liberté absolue du lecteur à se laisser simplement porter, à se mettre à commenter les événements racontés ou à profiter du plaisir brut de la lecture.